Du rêve américain au cauchemar : comment la vie de Bernard a basculé

Publié le : 10 avril 2018
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La vie lui tendait les bras. A 24 ans, Bernard vivait le rêve américain. Patron d’un restaurant huppé aux Etats-Unis, il était loin du monde du chômage, de la maladie. Mais un jour sa vie a basculé : il a mis la clé sous la porte, a divorcé et a contracté un cancer du système immunitaire… Aujourd’hui, il est accueilli à la Cité de Refuge, gérée par la Fondation de l’Armée du Salut. Découvrez son histoire. 

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Nom, prénom témoignage
Bernard
Détail sur la personne
Résident de la Cité de Refuge
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Redacteur
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 «1984. Aéroport Charles-de-Gaulle. Vol pour Miami. Un visa de 15 jours pour les Etats-Unis. Devant moi, une nouvelle vie dans un pays que je ne connais pas. Derrière moi, 24 ans d’une vie que j’ai partagé entre une enfance en Bretagne, une formation et un diplôme de cordon bleu et les cuisines de différents restaurants. 

Après avoir décroché mon diplôme de cuisine reconnu à l’international, j’ai fondé une crêperie en partenariat avec un ami, dans le sud de la France, l’affaire a duré deux ans avant de péricliter. J’ai donc décidé de venir m’installer à Paris, dans les années 1980. J’ai signé un contrat au sein du groupe Flo, l'un des principaux groupes de la restauration française. J’y travaillais comme maître d’hôtel avant de devenir directeur du restaurant Julien, rue Faubourg Saint-Denis. A l’époque, je gagnais l’équivalent d’environ 7 000 euros par mois, plus qu’un médecin. J’habitais dans le 15e arrondissement de la capitale avec ma compagne, qui était hôtesse de l’air. 

Patron d'un restaurant français aux Etats-Unis

Puis un jour, j’ai décidé de changer de vie et d’aller m’installer aux Etats-Unis. Une page de ma vie tournait. Ma nouvelle vie c’était ma compagne et mon futur enfant. 

Je me suis installé avec elle sur la côte Ouest. Durant mes 6 premiers mois Outre-Atlantique, j’apprenais l’anglais, en attendant d’obtenir un « permis de travail ». En août 1984, j’obtiens le droit de travailler et je commence par commis de salle et j’enchaîne deux, trois petits boulots. Grâce à mes différentes rencontres dans le milieu de la restauration, j’ai pu entreprendre le projet d’ouvrir mon propre restaurant. 

Un restaurant qui servait des plats français et des plats de la cuisine continentale. Dans mon restaurant, venaient les adeptes du Finger food, la nourriture qui se mange avec les doigts. J’avais aménagé une partie du restaurant en bar, d’autres clients venaient ainsi voir des matches de compétitions sportives, parfois ils étaient plus de 600 à venir dans mon bar. Pendant 20 ans, entre 30 et 40 personnes travaillaient sous ma direction. 

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En plus d’être patron d’un restaurant, j’étais également bénévole dans une association à but non-lucratif qui vient en aide aux personnes sans domicile en leur proposant des ateliers de lecture, des séances de désintoxication, de formation professionnelle. 

En 2006, pour diverses raisons surtout familiales, j’ai dû fermer le restaurant. Sans emploi, j’ai été embauché au sein de l’association et j’y ai travaillé pendant 4 ans. En 2010, j’apprends que ma mère est souffrante. Je rentre alors à Paris. Et en 2012, alors que j’envisage de retourner aux Etats-Unis, je suis hospitalisé à l’hôpital Saint-Joseph : on me diagnostique un cancer du système immunitaire… Le traitement que je suis est lourd et je vis alors  grâce à l’argent que j’ai gagné aux Etats-Unis. En 2014, faute de ressources suffisantes, mon oncologue m’oriente vers la Cité de Refuge, gérée par la Fondation de l’Armée du Salut et qui accueille plus de 300 personnes en difficulté. 

Je me bagarre pour vivre, cela me donne de l’espoir

Depuis plus de 4 ans, je vis dans une chambre de ce bâtiment construit par Le Corbusier. En 2016, quand je pensais être rétabli, je souhaitais retourner aux Etats-Unis mais j’ai fait un AVC. Pendant 50 ans je n’ai jamais été malade et aujourd’hui je suis handicapé. L’oncologue qui me suit m’a interdit de prendre l’avion tant que je ne suis pas guéri. Aujourd’hui, je suis loin de mes proches et je passe plus de temps en salle de consultation qu’en cuisine. 

Mais ici, à la Cité de Refuge, j’ai une tranquillité d’esprit, je m’occupe en participant à des activités comme les visites organisées de la Cité de Refuge pour le grand public, je propose aussi des ateliers de cuisine aux résidents et j’assiste à des sorties au théâtre et à des concerts. 

En 2017, j’ai fait une demande de logement avec une référente sociale de la Cité de Refuge. Une référence sociale, qui est vraiment présente et qui m’écoute réellement. 

Mon espoir ? Je me bagarre pour vivre, cela me donne de l’espoir. Et les médecins, en 2012, m’avaient donné deux mois pour vivre et nous sommes en 2018…  »