Baisse des financements des CHRS : lettre ouverte des associations au Premier ministre

Publié le : 9 mars 2018
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La Fédération des acteurs de la solidarité, dont la Fondation de l'Armée du Salut fait partie, demande au Premier ministre, Edouard Philippe, de "sursoir" à l'arbitrage gouvernemental concernant le financement des Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), amputés de 20 millions d'euros en 2018. 

 

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Monsieur le Premier ministre,

Nos organismes représentent l’ensemble des structures d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement des personnes en situation de grande exclusion. A ce titre, nous appelons votre attention sur les menaces qui pèsent sur le financement des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) qui accueillent et insèrent plus de 43 000 personnes sans domicile.

Le ministère de la Cohésion des Territoires nous a en effet confirmé la mise en place d’un plan d’économie de 57 millions d’euros sur ces établissements en quatre ans dont 20 millions dès 2018, à partir de la mise en place par voie réglementaire de tarifs plafonds. Appliquée brutalement, cette mesure pourrait conduire à la fermeture de plus d’un millier de places d’hébergement et à la suppression de plusieurs centaines de postes d’intervenants sociaux qui travaillent quotidiennement auprès des plus exclus.

Alors que les services de l’Etat et les associations sont pleinement mobilisés cet hiver pour héberger et accompagner les personnes sans domicile et que les besoins sont immenses, cette décision comptable, prise sans aucune étude d’impact, aura des conséquences désastreuses pour les personnes et les associations qui les accueillent, en contradiction avec les objectifs fixés par le Président de la République de n’avoir plus aucune personne à la rue.

Nous reconnaissons l’effort budgétaire conséquent de l’Etat en faveur de l’hébergement des personnes vulnérables voté en loi de finances 2018. Mais nous ne comprenons pas cette mesure d’économie qui privilégie les hôtels et les centres d’hébergement d’urgence dans lesquels l’insuffisance de l’accompagnement limite fortement les possibilités d’insertion des personnes hébergées.

A l’inverse, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale sont les plus qualitatifs et proposent un accompagnement renforcé vers l’autonomie des personnes et familles précaires confrontés à de multiples problématiques : désocialisation, vieillissement précoce, violences conjugales, ruptures familiales, endettement, pathologies chroniques, souffrance psychique, addictions, prostitution, sortie de détention…

Parmi les CHRS, certains affichent des coûts qui dépassent les tarifs plafonds envisagés mais sont dans la plupart des cas nécessaires et justifiés pour accompagner ces publics. D’autres surcoûts s’expliquent par les travaux d’humanisation entrepris dans les centres en accord avec les services déconcentrés de l’Etat ou par les contraintes territoriales (cherté du foncier en particulier).

De façon plus générale, c’est l’ensemble des capacités d’investissement des CHRS qui sera affecté par cette réforme : les associations ont en effet besoin d’une assise solide pour mobiliser rapidement des places temporaires dans le cadre des plans d’hébergement hivernaux ou encore pour atteindre les objectifs quantitatifs de développement du logement adapté souhaités par le gouvernement (pensions de familles et intermédiation locative).

En outre, cette réforme limitera fortement les capacités d’innovation sociale qui sont au cœur des projets associatifs et d’établissement. Nous pensons en particulier que ce plan d’économies n’est pas cohérent avec le plan gouvernemental Logement d’abord présenté en septembre 2017.

En effet, les CHRS jouent un rôle déterminant en matière d’accompagnement à l’accès et au maintien dans le logement des personnes sans domicile, rôle qu’ils pourront difficilement assumer au regard des économies exigées.

Par ailleurs, l’application mécanique d’un tarif plafond est contradictoire avec la démarche de contractualisation pluriannuelle d’objectifs et de moyens (CPOM) qui peut et doit permettre, si elle est bien conduite, d’assurer la prise en compte de projets d’établissement dynamiques et de préserver les capacités d’innovation sociale.

Enfin, nous appelons votre attention sur le calendrier envisagé. Alors que leurs budgets ont été établis à l’automne 2017 sur d’autres bases, les établissements auront connaissance de leurs budgets 2018 en cours d’année et devront en conséquence ajuster leurs charges de fonctionnement de manière rétroactive au 1er janvier 2018. Les économies imposées porteront uniquement sur la fin de l’année 2018 et seront donc beaucoup plus abruptes et dès lors difficilement atteignables. Comme ces baisses du budget de fonctionnement porteront largement sur la masse salariale des établissements, elles entraîneront des suppressions d’emploi qui se traduiront inexorablement par une hausse de charges de court terme (financement partiel du retour à l’emploi, plan de licenciements, modification de la planification du travail, etc.) et une baisse de la qualité de l’accompagnement des personnes accompagnées.

Pour ces raisons, nous vous demandons de sursoir à cet arbitrage pour que nos associations puissent engager avec vos services un travail de fond visant à élaborer une nouvelle tarification qui ne pénalise pas les publics les plus en difficulté et qui n’ait pas pour unique finalité une rationalisation budgétaire à court terme.

Nous sommes à votre disposition pour une rencontre sur ce sujet sensible.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de nos sentiments respectueux.

Associations signataires :

Fédération des acteurs de la solidarité
Croix-Rouge française
FEHAP
Amicale du Nid
Association des Cités du Secours Catholique
Aurore
Coallia
Emmaüs Solidarité
Fédération nationale Solidarité Femmes
Fondation Armée du Salut
Groupe SOS Solidarités
Interlogement 93
UNIOPSS

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Actualité