Être là quand les souvenirs s’en vont

Publié le : 3 octobre 2017
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Les maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer se caractérisent par la disparition progressive des neurones, qui entraîne des troubles et une perte d’autonomie : désorientation, perte de la mémoire, diminution de la motricité. En France, on estime à 900 000 le nombre de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer et à 200 000 les personnes souffrant de Parkinson. Alors que ces maladies sont incurables, il est néanmoins possible d’agir pour en retarder les effets et, surtout, pour accompagner au mieux les personnes atteintes et leurs familles. Avec respect, dignité et empathie. 

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Maison retraite médicalisée Alzheimer Fondation Armée du Salut France
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Maison de retraite médicalisée Fondation Armée du Salut France Alzheimer personnel personne accueillie
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L’augmentation progressive du nombre de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer nous questionne au quotidien sur l’accompagnement des personnes âgées. L’expérience montre déjà qu’il existe une urgence à se mobiliser dès les premiers signes de la maladie et également pour ralentir cette progression et améliorer la qualité de vie des personnes.

Marthe emprunte le sentier qui mène de la maison de retraite médicalisée au portail du jardin. Au loin, le cœur du village poitevin où elle a vécu quatre-vingts ans, avant d’être accueillie dans cette résidence nouvellement construite. Marthe souffre d’Alzheimer et ne pouvait plus vivre seule sans risque. C’est au bout de la troisième sortie nocturne, désorientée, en plein hiver, près de la rivière, que sa nièce s’est résolue à demander son admission ici. Un choix difficile, parce que Marthe a de longues périodes de lucidité, entrecoupées de moments de tristesse, quand elle prend conscience de ses absences. Un mélange de révolte contre ce qui lui arrive et de honte de ne pas toujours pouvoir se contrôler. 

Heureusement, le personnel de l’établissement est préparé à accompagner toutes les fragilités liées à la progression de la maladie, tout en prenant en compte les besoins et les histoires de chacun. Valérie, la psychologue, explique qu’il est important de prendre son temps dans le dialogue avec les familles car celles-ci peuvent éprouver de la culpabilité de ne plus pouvoir s’occuper des leurs. Anne, la directrice, confirme : «Une fois qu’ils ont accepté l’inéluctable, les proches jouent un rôle important dans l’accompagnement. Leurs visites et leur affection renforcent le travail des professionnels et les personnes malades sont rassurées par cette confiance réciproque.»

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La confiance, une priorité

Le maître mot est bien la confiance, tant le besoin de respect et de sécurité sont déterminants dans la prise en charge des maladies dégénératives. Marthe était la quincaillère, au cœur de la vie sociale du village. Penser seule à sa vie d’avant est une souffrance pour elle, même si sa mémoire se brouille de plus en plus. Nathalie, assistante de soins en gérontologie, a appris à déceler tout de suite les signes de cette détresse, quand elle se manifeste. Elle propose alors spontanément de faire un peu de jardinage, dans les potagers adaptés qui surplombent le village. Marthe y retrouve les gestes familiers de sa vie d’avant et, au bout d’un moment, s’apaise et recommence à sourire. Pour beaucoup, la question de l’intimité et de l’hygiène est cruciale. Il n’est pas toujours évident de confier son corps à des professionnels de santé pour les gestes de la toilette quotidienne. C’est pourquoi, certains rituels de soins sont essentiels pour le respect et le bien-être des personnes âgées. Marie-Jo, aide-soignante, explique comment elle préserve la pudeur par une approche de soins sensible : «Je respecte un ordre immuable, selon les habitudes de chacun : les pieds ou les mains d’abord, par petites touches, en annonçant toujours l’étape suivante.»

Pour rassurer et rythmer les journées des personnes âgées fragilisées par la maladie, il est important de faciliter et d’organiser leur vie quotidienne : des repères visuels dans les couloirs, la distribution du courrier dans les chambres, la confection de gâteaux odorants pour raviver la mémoire olfactive, le pliage du linge, faire la vaisselle pour entretenir la mécanique des gestes et surtout pour se sentir utile… Des ateliers avec des gestes simples mais qui rassurent les personnes fragilisées par la perte de leurs repères. Brigitte, gouvernante et animatrice, attache un soin particulier à la qualité des repas : «Prendre plaisir à manger des plats frais et savoureux contribue à maintenir l’appétit des résidents. Un bon repas, c’est surtout une envie de continuer à profiter de la vie, en dépit de la maladie.»

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Un personnel attentif à tous les stades de la maladie

Prendre son fils pour son mari défunt ou confondre sa chambre avec un lieu du passé est chose courante avec les maladies de type Alzheimer. Pour que les résidents ne soient pas trop perturbés par ces épisodes de confusion, les repères sont importants, véritables gardiens de la mémoire qui vacille. Personnaliser sa chambre contribue à accepter la transition : les personnes arrivent avec une partie de leur mobilier, des photos encadrées. Dans cet établissement à la population essentiellement rurale, les professionnels ont poussé la logique en choisissant de disposer, ça et là, une horloge comtoise ou un meuble de ferme. Une façon de gommer la dimension médicale des lieux avec les bribes d’un passé régional commun.

Si la confiance est le préalable à toute communication avec les personnes atteintes de troubles neurologiques, l’accompagnement humain est tout aussi important au quotidien. L’essentiel est d’être le mieux possible, le plus longtemps possible. Ce type d’affection impose un suivi particulier de chacun, dont l’état de santé peut varier d’une journée à l’autre, avec parfois de significatives victoires. L’évolution de la maladie n’est pas la même pour tous, et le personnel est attentif au moindre signe de progrès ou de régression, avec une bienveillance naturelle. Chaque résident est aussi unique dans son histoire. Madeleine, particulièrement loquace quand elle est dans une phase consciente, en plaisante : «J’aime bien quand Brigitte vient me chercher dans ma chambre pour descendre à la chorale. Parfois j’oublie que j’adore ça, mais pas elle !»

Au-delà des prescriptions médicales, les activités de la maison de retraite font le pari du bien-être. Cuisiner en petits groupes favorise le maintien des gestes élémentaires, jardiner permet de rester en contact avec les saisons, réussir un dessin avec son petit-fils procure de la fierté. En variant des activités courtes pour ne pas fatiguer les résidents, les professionnels arrivent à retarder le plus possible la perte totale d’autonomie et de repères. Et quand ce jour finit par arriver, le tic-tac d’une horloge familière ou une fenêtre ouverte sur les premières brises du printemps peuvent être bien doux encore. 

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