La seconde vague de Covid racontée par un directeur d’EHPAD

Publié le : 20 janvier 2021
Texte présentation

Au-delà des bilans chiffrés concernant le nombre de victimes de la Covid-19 dans les EHPAD (maisons de retraite médicalisées), nous avons souhaité vous livrer le témoignage du directeur d’un de ces établissements, situé à Saint-Etienne, pour qu’il raconte ce qu’est leur réalité. Il y a la peur, il y a les décès, mais aussi les équipes qui se battent, les familles qui viennent en renfort, la vie qui continue et la perspective du vaccin.

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Sarrazinière Covid printemps 2020
Nom, prénom témoignage
Jean-Marie Delfieux
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directeur de l’EHPAD La Sarrazinière, à Saint-Etienne
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NDLR : Cette interview de Jean-Marie Delfieux, directeur de l’EHPAD La Sarrazinière, à Saint-Etienne, a été réalisée le 15 janvier. Elle décrit la réalité telle qu’elle était à cet instant.

Une deuxième vague brutale

Pour nous, la seconde vague arrivée fin octobre 2020 a été beaucoup plus brutale que la première, qui était montée crescendo. Tout est parti d’un coup et de manière disséminée, dans tous les services de l’établissement. Suite à des premiers symptômes, nous avons dû organiser, par nos propres moyens, une phase de tests massive.

Une liste qui s’allonge

Cette période était très violente pour les résidents, leurs familles et nous, qui étions dans l’attente des résultats. La liste des cas positifs s’allongeait d’heure en heure. Les familles étaient dans l’incertitude de ne pas savoir si leur proche était positif ou non. Nous nous étions engagés à appeler dès qu’il y avait un cas. Nous avons passé le week-end au téléphone pour leur communiquer les résultats. L’annonce était également un moment violent du fait des craintes qu’elle nourrit pour l’avenir.

La vie et des fêtes de Noël malgré tout

Jusqu’au dernier jour

Une fois le virus rentré à nouveau dans l’établissement à grande échelle, nous savions hélas qu’il y aurait des décès de résidents. Nous avons néanmoins réussi à continuer les visites encadrées, de manière à ce que les familles puissent continuer à voir leurs proches, y compris quand ils étaient en fin de vie, à cause de la Covid ou du fait d’autres pathologies. Il était hors de question pour nous qu’un résident décède, isolé, dans sa chambre. Les familles ont ainsi pu accompagner leurs proches en étant protégées avec des combinaisons et en respectant un protocole. Elles nous en ont ensuite été reconnaissantes malgré la douleur liée à la perte.

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Sarrazinière printemps 2020
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Un bilan humain contrasté

Depuis mars 2020, environ 40% des résidents ont été testés positifs à la Covid-19, et un quart des professionnels intervenant dans l’établissement. Au total, sur un an, ce sont environ 10% des résidents qui sont décédés (et aucun salarié), soit un nombre de décès supérieur de 30% à ce que nous constatons habituellement. La brutalité de la situation vient également du fait que la majeure partie de ces décès sont concentrés à chaque vague sur une période de 2 à 3 semaines.

La vie et des fêtes de Noël malgré tout

Malgré la seconde vague, nous faisons le maximum pour que la vie continue. Des professionnels de santé, tels les kinés, continuent de venir. Nos animations continuent aussi, mais en plus petits comités. Les résidents ont pu bénéficier récemment de cours de pilates, de massages, de réflexologie, de l’intervention du psychomotricien et du coiffeur. A tour de rôle, ils ont pu aller se réchauffer autour de la cheminée, qu’ils apprécient tant. Nous avons également mis un point d’honneur à ce que Noël reste une fête, sauf qu’au lieu d’avoir un réveillon unique, nous en avons eu cinq, dans cinq lieux différents de l’établissement, et avec cinq chanteurs différents.

La double peine de l’épidémie pour les salariés

La difficulté pour les salariés est de vivre l’épidémie de Covid comme une double peine, car le virus est leur quotidien dans l’établissement ET dans leur vie de tous les jours. Il n’y a pas de respiration possible. Malgré tout, cette crise sanitaire nous a renforcés en tant qu’équipe, car nous avons vu que là où la France entière était mise sens dessus dessous, nous réussissions à continuer de fonctionner.

Dans l’attente du vaccin

Une nouvelle dynamique entre les familles

Nous avons bénéficié du renfort de familles de résidents qui sont venues bénévolement nous aider dans l’organisation et la tenue des visites des familles. Nos équipes ne sont en effet pas dimensionnées pour cela et ce système a permis à la fois de créer un lien entre les familles, et d’organiser davantage de visites pour Noël, le Jour de l’An ou durant les week-ends.

Dans l’attente du vaccin

La prochaine grande étape sera la vaccination. Nous venons d’apprendre qu’elle devrait avoir lieu le 2 février. Jusque-là, les familles nous posaient des questions à ce sujet mais nous n’étions pas en mesure de leur répondre. Pour prendre les devants, nous avons interrogé chaque résident et chaque famille pour savoir s’ils voulaient être vaccinés ou que leur proche le soit. Nous attendons encore les résultats définitifs de cette enquête, qui servira de base à une discussion entre le résident et sa famille. Dans tous les cas, ce sont les équipes de l’établissement qui seront responsables de la vaccination des résidents et des salariés, une fois encore.