"Osons remettre en question les injustices"

Publié le : 25 janvier 2018
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A l'occasion des vœux de la Fédération protestante de France (FPF) qui se sont déroulés mercredi 24 janvier 2018 à la Maison du Protestantisme à Paris en présence du Premier Ministre Edouard Philippe, le Colonel Daniel, chef de territoire de l'Armée du Salut en France et en Belgique a fait le voeu de voir une France tournée vers l'avenir et a appelé à l'engagement de tous au service de tous.

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Redacteur
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Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
Monsieur le Président de la Fédération Protestante de France, cher François, 
Mesdames et Messieurs,

Chers amis, 

Au nom de l’Armée du Salut, je voulais tout d’abord vous remercier de nous donner la parole, pour cet échange de vœux avec Monsieur le Premier Ministre et Monsieur le Ministre de l’Intérieur. 

Le fait de réfléchir à cette journée m’a permis de redécouvrir l’origine historique de la tradition des vœux. Cette coutume est mentionnée pour la première fois du temps des Romains. On s’offrait des figues, des dattes et du miel, pour se souhaiter réciproquement une douce année. 

Je vous souhaite naturellement une année de douceur ; mais je ne pense pas que vous donniez la parole à l’Armée du Salut pour parler uniquement de dattes et de miel. 

Je pense au contraire que vous nous avez offert cette tribune, pour être la voix de celles et ceux qui n’ont ni dattes, ni miel ; ou qui les trouvent bien fades, du fait de ce qu’ils vivent au quotidien. 

Mes vœux ne seront donc pas des vœux tournés vers nous-mêmes, mais vers celles et ceux qui n’ont pas la chance d’être ici. 
Les saintes écritures dans lesquelles notre foi chrétienne est ancrée disent (Nombres 30:2) que « Lorsqu'un homme fera un vœu à l'Éternel, ou un serment pour se lier par un engagement, il ne violera point sa parole, il agira selon tout ce qui est sorti de sa bouche ». Je mesure donc l’engagement qui est le nôtre aujourd’hui. 
 

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Je le mesure d’autant mieux, que je suis l’héritier d’un mouvement né il y a plus de 150 ans, lorsque le pasteur William Booth créa à Londres The Christian Mission – « La Mission Chrétienne », en pleine révolution industrielle. Treize ans plus tard, elle deviendra l’Armée du Salut.

Depuis, notre mouvement a essaimé sur les cinq continents, présent aujourd’hui dans 128 pays dans le monde et installé en France depuis 1881. Car comme le disait ensuite Churchill, « Là où il y a un besoin, il y a l’Armée du Salut ».

Ces 137 ans d’existence nous permettent de mesurer à quel point les problématiques spirituelles et sociales de ces deux époques sont proches. 

Pertes de repères face à un univers qui change et face à des mondes qui disparaissent, grande précarité, familles à la rue, trafic des personnes, traite des êtres humains …

Congrégation et Fondation : des actions de l'enfance à la fin de vie 

Pour autant, je ne vois pas ma tâche comme un éternel recommencement. Je la vois au contraire comme une chance d’apporter un salut, parfois Le Salut, à des personnes dont la vie serait sinon insoutenable. 

Aujourd’hui, l’Armée du Salut est présente en France à travers une Congrégation religieuse et une Fondation, toutes deux héritières de faits d’arme qui nous honorent, comme le soutien aux soldats durant la Première Guerre Mondiale, l’essor de l’action sociale au début du XXe siècle ou encore la fin du bagne. 

Cette Congrégation et cette Fondation ont la responsabilité de poursuivre et développer l’action de l’Armée du Salut, de l’enfance à la fin de vie. 

D’où un questionnement permanent, sur ce que nous devons souhaiter à celles et ceux qui vivent en France aujourd’hui.

Ce questionnement, je le partage bien entendu avec nos 2 200 salariés, 3 800 bénévoles et avec les milliers de salutistes engagés en France. Grâce à eux, ce sont plus de 8 000 personnes que nous accueillons chaque jour.

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Mais que souhaiter pour 2018 ? 

Une fois n’est pas coutume, je commencerai par celles et ceux qui ont bâti le monde dans lequel nous vivons, à savoir nos aînés. 

Pour eux, je fais le vœu d’un pays qui comprend ce qu’implique le vieillissement de la population et les efforts que cela nécessite. 

Accueillir au quotidien 1 200 personnes âgées fait que nous sommes bien placés pour constater à quel point la situation actuelle des aînés est fragile.

Nous vieillirons tous, et c’est d’ailleurs ce qu’il faut nous souhaiter. 

Il n’existe heureusement pas de « vieillisso-sceptiques » comme il existe des « climato-sceptiques ». Mais tirons-nous les bonnes conclusions de ce vieillissement ? 

Offrons-nous, par exemple, à nos aînés accueillis en maison de retraite, les conditions de vie et l’attention qu’ils méritent ? 
Donnons-nous à nos enfants l’envie de s’engager auprès des aînés, de par les conditions de travail que nous leur proposons ? 

C’est parce que la réponse à toutes ces questions est, à mon sens, « Non » que je fais le vœu d’une France qui ose se regarder en face, se voir vieillir, et prendre soin d’elle-même. Car c’est bien de cela dont il est question : de prendre soin de nous, et de tous ceux qui nous ont permis de devenir les hommes et les femmes que nous sommes. 

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Je fais aussi le vœu d’une France tournée vers l’avenir, et qui ne laisse pas réapparaître certaines hontes qu’elle avait réussi à éradiquer. Les bidonvilles, les maladies, la distinction entre des frères en humanité qu’il faudrait aider, et d’autres qui n’en seraient pas dignes. 

Il y a quelques années, l’Armée du Salut a recommencé à distribuer des repas dans la rue, du fait des besoins constatés -ce qu’elle avait arrêté entre temps-. Depuis bientôt un an, nous distribuons même des petits déjeuners aux personnes qui ont passé la nuit dehors. 

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fait d’être confronté sur le terrain aux difficultés ne nous démotive pas. C’est même le contraire. Cela nous aide à regarder l’avenir avec optimisme. 

"Notre monde n’a pas besoin d’âmes tièdes, il a besoin de cœur brûlants"

Car ces actions sont autant d’occasions de se souvenir de ce qu’il y a de beau en l’Homme, l’Être Humain. Rencontrer des jeunes qui choisissent de commencer leur journée de travail par trois heures de maraude bénévole est un signe d’espoir exceptionnel. 
Cela contredit tous les discours sur une jeunesse démobilisée. 

Rencontrer des personnes en difficulté ou isolées, et les écouter parler, nous rappelle les trésors enfouis en chacun de nous. 
Cela nous donne envie de repartir au combat pour les 137 prochaines années. Même si je devrai peut-être passer la main d’ici là. 

Je fais le vœu, Monsieur le Premier Ministre, que nous partagions cette volonté de ne pas accepter le réel, et que nous voulions au contraire le modifier. 

Ne considérons pas comme normal ce qui est courant. 

Osons remettre en question les injustices. 

En formulant ces vœux pour la France, je n’attends pas que quelqu’un s’engage à ma place ou que l’Etat résolve tout. Je pense, au contraire, que la réponse ne viendra que de l’engagement de tous, au service de tous. 

Je fais donc le vœu que nous restions des hommes et des femmes engagés ; car comme le disait Albert Camus, 
« Notre monde n’a pas besoin d’âmes tièdes, il a besoin de cœur brûlants »…..   

Merci.

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